Barthélemy Dias, maire de Dakar, a été radié hier de l’Assemblée nationale. Une décision qui fait suite à une condamnation judiciaire devenue définitive en décembre 2023, dans l’affaire Ndiaga Diouf. Le ministre de la Justice, Garde des sceaux, Ousmane Diagne, estime que c’est une «application des dispositions de l’article 61 de la Constitution».
– Barthélemy Dias a été prestement éjecté de son siège de parlementaire, à la suite d’une requête introduite par le ministre de la Justice, Garde des sceaux. Il ne lui reste aujourd’hui qu’un seul mandat : celui de maire de la Ville de Dakar. «Sur demande du ministre de la Justice, Garde des sceaux, en application des dispositions de l’article 61, dernier alinéa, de la Constitution et l’article 51 de notre Règlement intérieur, dernier alinéa, le Bureau de l’Assemblée nationale, réuni le jeudi 5 décembre 2024, a procédé à la radiation de Barthélemy Toye Dias», a indiqué le président de l’institution parlementaire. Malick Ndiaye a ainsi demandé à ce que le nom de Barthélemy Dias soit retiré de la liste des commissions permanentes, en attendant la désignation de son remplaçant à l’Assemblée nationale.
Il faut rappeler que lors de l’installation, lundi dernier, de la nouvelle législature, le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, avait officiellement saisi le Bureau de l’institution parlementaire afin que celui-ci procède à la révocation du mandat de Barthélemy Dias condamné pour «coups mortels» dans l’attaque en 2011 de sa mairie de Mermoz-Sacré Coeur. Le pourvoi introduit par ses avocats pour obtenir la cassation de sa condamnation à deux ans de prison dont 6 mois ferme, a été rejeté en décembre 2023 par la Cour suprême. Barthélemy Dias, qui brandissait un pistolet au moment des faits, avait passé plusieurs mois en détention.
Une page se tourne donc pour celui qui avait été élu sur la liste de la Coalition «Sam sa kaddu». Maintenant que Barth’ est hors-jeu, qui pour prendre sa place ? Déthié Fall, premier sur la liste, a déjà annoncé sur Facebook qu’il n’a aucune intention d’aller siéger. Papa Djibril Fall, suivant dans l’ordre de la liste nationale, doit hériter du poste.
Takku Wallu Senegaal crie à la forfaiture
Pour le Groupe parlementaire Takku Wallu Senegaal, cette radiation est avant tout une manœuvre politique. «Vous avez suivi, comme tout le monde, que le ministre de la Justice a demandé la radiation de Barthélemy Dias de notre liste. En tout cas, notre groupe, Takku Wallu Senegaal, dénonce cette forfaiture», a déclaré Abdou Mbow, estimant que le ministre de la Justice a versé dans la précipitation pour demander la révocation du mandat de Barthélemy Dias. Le député Abdou Mbow de rappeler que, dès l’installation du Bureau de l’Assemblée, des irrégularités avaient été enregistrées. Selon lui, les postes de vice-président n’ont pas été attribués conformément aux dispositions légales, ce qui, d’après lui, reflète une volonté de domination du camp présidentiel.
«La loi nous accorde un poste de vice-président, un poste octroyé par les électeurs sénégalais. Mais la majorité actuelle, notamment le pouvoir en place, à savoir le parti Pastef, a usurpé ces postes, installant ainsi une dictature», a dénoncé Abdou Mbow. L’élu a ensuite dénoncé la «précipitation» et «l’arrogance» du pouvoir en place, affirmant que la radiation de Barthélemy Dias s’inscrivait dans une volonté manifeste de «museler un opposant». Il soutient que cette démarche s’inscrivait dans une logique d’illégalité, rappelant que la commission dans laquelle Barthélemy Dias avait été nommé, a été ratifiée illégalement. «Tout ce qui a été fait aujourd’hui est dans l’illégalité», a-t-il martelé. Abdou Mbow a mis en garde contre les dérives de la majorité. Il rappelle que les avocats de Takku Wallu Senegaal étaient déjà à l’œuvre pour contester ces décisions devant la Justice. «Comme l’a dit la présidente Me Aïssata Tall Sall, nous verrons si nous sommes toujours dans un Etat de Droit», a-t-il conclu.
«Ils ont le droit de destituer Barthélemy Dias, puisqu’il…»
Selon le contenu du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale et de la Constitution de la République du Sénégal, «le gouvernement a le droit de destituer Barthélemy Dias, puisqu’il a fait l’objet d’un jugement définitif rendu par la Cour suprême dans l’affaire Ndiaga Diouf», a déclaré Cheikh Tidiane Youm, membre du Pur (Parti de l’unité et du rassemblement) et mandataire de la Coalition «Sam sa kaddu» dont le maire de Dakar était la tête de liste. Cheikh Tidiane Youm explique : «Du moment où la loi a été respectée et que la destitution est fondée sur des bases juridiques, il reste à en tirer les conséquences, à savoir le remplacer par une autre personne.»
Ayib Daffé : «La loi est dure, mais c’est la loi»
Du côté du pouvoir, Ayib Daffé, président du Groupe parlementaire Pastef, a rappelé que Barthélemy Dias, lors du débat sur la loi d’amnistie, avait lui-même reconnu son inéligibilité, en raison de sa condamnation. Il a souligné que cette radiation s’appuie sur l’article 61 de la Constitution et l’article 51 du Règlement intérieur de l’Assemblée. «Je pense que c’est l’application de la Constitution et du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Et comme le dit l’adage : la loi est dure, mais c’est la loi. Donc, ce sont les textes qui sont appliqués. Et nous l’Assemblée nationale, nous ne faisons que prendre acte parce que c’est l’article 61 de la Constitution qui nous y oblige», a dit l’honorable député Ayib Daffé.
La révocation de Barthélemy Dias de son poste de maire de Dakar est aussi l’autre grande menace qui pèse sur lui. Le pouvoir ira-t-il dans ce sens ? Les prochains jours ou semaines édifieront l’opinion.