Le Groupe parlementaire Benno bokk yaakaar (Bby) a rejeté par un vote de 83 députés contre 80 le projet de loi portant suppression du Hcct et du Cese. Prolongeant la «guerre» entre l’opposition et le pouvoir, le président du Groupe Benno, Abdou Mbow, annonce le dépôt, dès aujourd’hui, d’une motion de censure contre le gouvernement dirigé par le Premier ministre, Ousmane Sonko.Par Ousmane SOW –
L’Assemblée nationale, dominée par la Coalition Benno bokk yaakaar (Bby), a rejeté le projet de loi portant suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut-conseil des collectivités territoriales (Hcct).
Ayant besoin de 99 des voix seulement pour faire valider le texte du chef de l’Etat, les députés du pouvoir n’ont pu obtenir que 80 voix contre 83 pour l’opposition parlementaire.
Les députés de Bby, qui ont sévèrement critiqué ce projet de loi avant de le rejeter, ont estimé que l’élégance républicaine aurait voulu que l’initiateur de ce texte puisse engager en amont des discussions avec le président de l’Assemblée nationale, la majorité parlementaire et les personnes morales des 2 institutions concernées, avant de saisir officiellement l’Assemblée nationale, étant entendu qu’au Sénégal, le dialogue est inscrit au cœur du système démocratique. Les parlementaires, qui ont rejeté ce projet de loi, ont rappelé que le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, a appris au même moment que les députés, la réforme sur les réseaux sociaux, à travers le communiqué de la présidence de la République en date du jeudi 26 août 2024. Sous ce rapport, ils ont fait remarquer que le projet de loi devait être précédé par la tenue de la Déclaration de politique générale (Dpg) du Premier ministre, pour décliner les grandes orientations politiques du nouveau gouvernement. En lieu et place, il est proposé la suppression du Hcct et du Cese, deux institutions majeures qui jouent un rôle important dans la vie socio-économique du Sénégal. Se succédant au pupitre, ils ont souligné que, compte tenu du fait que cette réforme relève d’une promesse de campagne électorale, le chef de l’Etat aurait dû y inclure la suppression des fonds communs, des fonds politiques logés à la Présidence et à la Primature, mais surtout la criminalisation de l’homosexualité qui étaient également des promesses de campagne.
Pour les députés de Bby, en initiant ce projet de loi, Bassirou Diomaye Faye cherche à la fois à camoufler certains scandales du gouvernement comme celui impliquant l’Onas et à mettre, par la même occasion, les députés élus sous la bannière de la Coalition du Benno bokk yaakaar en mauvaise posture par rapport aux Sénégalais en cas de rejet du texte, pour en faire un argument de campagne lors des prochaines élections législatives. «Le Cese et le Hcct doivent demeurer. Ce projet de loi est inutile et dangereux», a déclaré le député Abdoulaye Willane, insistant sur le fait que la suppression d’institutions telles que le Hcct et le Cese serait incohérente par rapport aux attentes d’un Peuple envers son chef d’Etat. A en croire les députés de Bby, si le président Ousmane Sonko n’est pas venu à l’Assemblée nationale pour faire sa Déclaration de politique générale (Dpg) et le Débat d’orientation budgétaire (Dob), il serait inacceptable de demander la dissolution de ces institutions. «Quand on vous confie un pays, le minimum que l’on attend de vous, c’est que vous le construisiez, et non que vous le détruisiez», a-t-il lancé. De son côté, le vice-président de l’Assemblée nationale, Ibrahima Baba Sall, a aussi critiqué le projet de loi, affirmant qu’il s’agit d’une tentative déguisée de dissolution de l’Assemblée nationale. «Ce projet est un argument tiré par les cheveux pour dissoudre l’Assemblée !», a-t-il martelé, tout en soulignant que les promesses de campagne sur la suppression des fonds politiques et spéciaux auraient dû être priorisées au lieu de chercher à justifier «leur incompétence à satisfaire les doléances des Sénégalais». Mettant en garde contre les risques d’une telle démarche de l’Exécutif, il dira : «Dissolvez l’Assemblée nationale et allez aux élections. Le Peuple souverain juge, jugera et choisira ses élus. Alors, attention, vous risquez d’avoir la surprise de votre vie. Le forcing que vous êtes en train de tenter pour la dissolution des institutions, particulièrement l’Assemblée nationale, ne passera pas. Seul un dialogue franc avec les différentes institutions nous évitera l’impasse».
Ils vont même jusqu’à dire que la nomination récente de Mimi Touré comme Haut représentant du Président de la République qui bénéficie de privilèges jugés inutiles aux frais du contribuable sénégalais, met à nu l’argument de la rationalisation des charges publiques et de l’optimisation des ressources qui sous-tend la réforme proposée.
Le Oui du Pds, de Yewwi et du Pur
Pour les groupes parlementaires Liberté, démocratie et changement, Yewwi askan wi et des députés non-inscrits qui ont voté pour ce projet de loi qui a pour objet de supprimer le Cese et le Hcct de la liste des institutions de la République du Sénégal, le président de la République est dans son rôle de soumettre à la Représentation nationale des projets de loi qu’il estime nécessaires. Cependant, Mame Diarra Fam est d’avis qu’il faut rationaliser afin de répondre à d’autres urgences. Déjà, comme elle l’a souligné, à Pikine, il y a une insécurité criarde qui mérite d’être résolue. Pour ce qui est du budget à économiser, la députée libérale estime que ces milliards réservés pour ces deux institutions peuvent servir à la construction d’une Division des investigations criminelles (Dic) à Pikine, peuvent permettre la construction d’une caserne des sapeurs-pompiers, ainsi que d’un Tribunal pour le département de Pikine. Quant à Thierno Alassane Sall, président du parti La République des Valeurs et député non inscrit, il a exprimé son mécontentement quant à la manière dont le projet de loi a été présenté. «Il n’y a aucun changement dans la façon de faire», a-t-il dénoncé, tout en ajoutant que «le président de la République devait d’abord dire à son Premier ministre de faire sa Déclaration de politique générale». Toutefois, il a affirmé qu’il votera pour la loi, par cohérence et respect de ses engagements. «Il faut aussi régler la question des fonds politiques», a dit TAS, tout en crachant ses vérités au régime actuel et au régime sortant. De son côté, Amadou Ba du parti Pastef estime que le Hcct n’est rien de plus qu’un «Sénat déguisé», créé pour combler le vide laissé par la suppression de l’ancien Sénat. «Le Sénat avait pour fonction d’assurer la représentation des collectivités locales. Le Hcct est chargé de donner son avis sur les politiques de décentralisation et de servir d’instance de dialogue des collectivités. Quelle est la différence ? Aucune», a-t-il lancé. Dans son discours, il a également dénoncé le fait que le Hcct ait repris le numéro d’article constitutionnel du Sénat, le 66-1, soulignant ainsi la continuité de ce qu’il considère comme une erreur institutionnelle. Pour Amadou Ba, cette institution consultative ne devrait pas être investie du suffrage universel, même indirect, car elle n’a pas de compétences délibératives, se contentant de donner des avis et des rapports au président de la République. Amadou Ba a appelé les députés à réfléchir sérieusement sur l’utilité de ces institutions coûteuses et inefficaces. «On ne vous demande pas de voter, mais de vous abstenir», dira-t-il, s’adressant aux députés.