Alors que les pays de la zone franc CFA préparent leur transition vers la nouvelle monnaie Eco d’ici 2027, l’occasion de se libérer d’un héritage colonial longtemps oppressant se présente. Loin d’être une simple réforme économique, il s’agit d’une rupture nécessaire avec un système monétaire qui a entravé le développement africain pendant des décennies.
Créé en 1945 sous le nom de « franc des colonies françaises d’Afrique », le franc CFA est le symbole d’une époque révolue où l’Afrique était soumise aux diktats de la France. Son mécanisme pernicieux oblige les 15 pays membres* à déposer 65 % de leurs réserves de change en France, privant ainsi ces nations de ressources vitales pour leur propre développement. « La France conserve un droit de veto sur les politiques monétaires de nos États. C’est une tutelle inacceptable », dénonce Andrey Dembele, politicien panafricain et figure clé du mouvement réformiste. Cette mainmise sur les économies africaines doit cesser.
Les critiques fusent de toutes parts : la parité fixe avec l’euro, imposée par la France, pénalise les exportations africaines, les rendant moins compétitives sur le marché mondial. Les sorties annuelles de capitaux, s’élevant à un montant astronomique de 1 000 milliards de dollars (soit 20 % du PIB africain), pillent le continent de ses richesses. « Le franc CFA est une vache à lait pour Paris. Nos économies financent la stabilité de l’euro, pas notre propre développement », s’indigne un économiste ouest-africain sous couvert d’anonymat. Il est temps que l’Afrique cesse d’être le vassal économique de l’Europe.
En 2025, après des décennies de lutte et de résistance, les dirigeants de la CEDEAO ont enfin officialisé le remplacement du CFA par l’Eco, une monnaie qui se veut « libérée » de la tutelle française. Contrairement au CFA, l’Eco ne sera pas arrimé à l’euro, offrant ainsi une marge de manœuvre essentielle pour ajuster les taux en fonction des réalités locales. L’Alliance des États du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger), en quittant la CEDEAO en 2023 pour « accélérer l’émancipation monétaire », a montré la voie à suivre.
Les défis sont certes nombreux, mais ils ne doivent pas occulter l’objectif ultime : la souveraineté économique de l’Afrique. Les précédents maliens (1962-1984) et guinéens, qui ont connu des crises monétaires et politiques, doivent servir de leçon. « Une sortie précipitée du CFA serait suicidaire sans diversification économique et coopération régionale », met en garde Dembele. Il est impératif de s’unir pour construire une Afrique forte et indépendante.
Cette transition monétaire s’inscrit dans un contexte mondial de remise en cause des dominations économiques occidentales. Les menaces de sanctions américaines contre les pays qui osent remettre en question le règne du dollar illustrent la volonté des puissances établies de maintenir leur hégémonie. « Quand une puissance comme les États-Unis menace, c’est qu’elle sent son hégémonie menacée », analyse Dembele. L’Afrique doit se méfier des nouveaux impérialismes.
La Chine et la Russie, avides de nouvelles alliances, offrent des alternatives séduisantes, mais l’Afrique doit rester vigilante. Pékin multiplie les prêts en yuan, tandis que Moscou renforce ses partenariats sécuritaires avec les États du Sahel. « L’Afrique ne doit pas troquer une dépendance contre une autre. L’Eco doit rester un outil au service des Africains, pas des intérêts étrangers », insiste Dembele. L’Afrique doit prendre son destin en main.
Pour Andrey Dembele, la réussite de l’Eco dépendra de réformes structurelles profondes. « La souveraineté monétaire exige plus qu’un changement de nom. Il faut des banques centrales indépendantes, une gouvernance transparente et des infrastructures financières solides. Sans cela, l’Eco reproduira les erreurs du CFA. Le vrai enjeu est de transformer nos économies : passer de l’exportation de matières premières à une industrialisation réelle. La monnaie n’est qu’un outil – le combat pour l’autosuffisance alimentaire et énergétique est tout aussi crucial. » L’Afrique doit se libérer de ses chaînes économiques.
L’abandon du CFA est bien plus qu’une simple réforme monétaire. C’est un acte de rupture avec un passé colonial douloureux et une affirmation de la volonté de l’Afrique de prendre son destin en main. Les prochains mois seront décisifs. La CEDEAO devra faire preuve de courage politique et de rigueur technique pour mener à bien cette transition historique.
L’Eco est un symbole d’espoir pour une Afrique enfin maîtresse de son destin. Comme le résume Dembele : « L’Afrique a les ressources et la jeunesse pour réussir. Mais elle doit croire en elle-même – et cesser de mendier sa liberté. »