Du fait de la fermeture, dans la douleur, des bases militaires françaises au Sénégal, 162 agents qui y travaillent vont être licenciés. Une situation similaire à celle qui se déroule au Tchad. Pourtant, à Dakar, on a connu, à une époque, des rétrocessions plus soft, avec un accompagnement et une insertion des travailleurs affectés. Que fera cette fois l’Etat du Sénégal ?
Le départ des Eléments français au Sénégal (Efs) et la fermeture des bases ont une conséquence fâcheuse pour le personnel civil sénégalais : 162 emplois perdus. C’est la conséquence du retrait brutal des militaires français du Sénégal. Le Général de brigade Yves Aunis, Commandant des Eléments français au Sénégal, a informé l’Inspecteur régional du Travail de Dakar d’un licenciement, «au 1er juillet 2025», de l’ensemble du personnel sénégalais employé par les Efs, dans la perspective de la fermeture annoncée des bases militaires françaises.
Dans une lettre dont l’objet est «Notification de licenciement collectif pour fermeture définitive des bases militaires françaises au Sénégal», et qui, depuis le week-end, circule sur tous les réseaux sociaux, le Général de Brigade Yves Aunis, qui a annexé à son courrier les noms des 162 personnes impactées et sous contrat à durée indéterminée par les Efs, incluant 12 délégués du personnel titulaires et suppléants, souhaitait «bénéficier de l’accompagnement de l’Inspection régionale du travail, y compris pour les éventuelles autorisations nécessaires, dans cette situation de force majeure».
Le Président Bassirou Diomaye Faye a déclaré, le 31 décembre dernier, que le Sénégal allait travailler à l’avènement d’une nouvelle doctrine de coopération impliquant la fin, dès 2025, de toutes les présences militaires étrangères sur le sol sénégalais.
C’est la même situation au Tchad où plus de 400 ex-employés des différentes bases militaires françaises sont dans le désarroi et l’incertitude. Après avoir travaillé pendant plusieurs années dans ces bases, ils dénoncent la mauvaise prise en charge de leurs droits sociaux et le manque de mesures d’accompagnement après le départ de l’Armée française du pays. Les témoignages de certains ex-salariés font froid dans le dos : il y a le cas par exemple de François Narom, père tchadien de 11 enfants, qui a travaillé comme lavandier pendant 37 ans. Interrogé par Rfi, il explique : «Je ne suis pas satisfait. Ce n’est pas de leur faute, parce que c’est notre gouvernement qui les a renvoyés et ils disent qu’ils n’ont pas encore le budget exact pour nous payer.» La radio française ajoute : «Pour l’instant, l’Armée française leur a versé 5 mois de salaire, même si tout le monde n’a pas reçu autant. Aujourd’hui, ils espèrent des autorités tchadiennes un accompagnement financier et une réinsertion professionnelle.» C’est la même demande qu’avaient formulée les travailleurs sénégalais lors de leur Assemblée générale tenue le 16 janvier dernier.
Habités par la psychose, ils avaient demandé un plan social comme en 1974-1975 et en 2011. Ndiogou Wade, porte-parole de ce jour, a expliqué : «Elle s’est produite en 1974-1975. Il y avait une réduction des effectifs français à l’époque. Pendant ce temps, le gouvernement du Sénégal avait repris tous les travailleurs pour les recruter au niveau de l’Administration sénégalaise et dans des entreprises nationales. En 2011, il y avait un autre plan social avec la fermeture du 23e Bima. On avait aussi négocié avec le gouvernement français pour mettre en place un plan social. Ce plan social a été financé à 100% par la France. Ce n’est pas une bonne image que le Sénégal avait montrée en laissant à la France financer intégralement ce plan social. Nous ne voulons pas que cela se répète en 2025», note-t-il.
Pour lui, l’Etat du Sénégal a les moyens de prendre en charge les travailleurs sénégalais en les intégrant dans l’Administration ou dans les sociétés nationales. «L’Etat est préparé pour insérer tous les travailleurs dans l’Administration sénégalaise ou les entreprises sénégalaises. Il faut des programmes de réinsertion pour les travailleurs qui seront licenciés», souhaite-t-il. La question est de savoir si, au moment où de nombreuses structures publiques et parapubliques sont en train de dégraisser, l’Etat du Sénégal est actuellement en mesure de ne pas rajouter de nouvelles tragédies à ce drame social qu’est le chômage de chefs de famille.
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