Les nouveaux timbres fiscaux mis en vente par la Direction des impôts et domaine (Dgid) mettent en évidence le nouveau slogan de la République, qui semble avoir mis de côté la devise du pays. De plus, aucun signe des armoiries du pays sur ce document officiel. Si l’on ne sait qui a pris l’initiative de cette émission, on peut noter que les changements de pouvoir sont le moment où des changements de ce type sont adoptés plus ou moins subrepticement.
Au Sénégal, c’est à de petits détails que l’on note le changement de pouvoir. Les 20 dernières années, les choses ont été notées dans le domaine du transport, surtout terrestre. La Société de transport en commun du Sénégal (Sotrac), quasiment moribonde avant la perte du pouvoir par Abdou Diouf, retrouve un nouveau semblant de vie avec le Président Abdoulaye Wade, qui la renfloue avec des véhicules d’occasion, acquises sans doute sur un marché de récupération. Le nouveau président de la République en profite pour changer la dénomination de la compagnie, qui devient Dakar Dem Dikk (3D). Venue soulager les Dakarois du calvaire du transport en commun, la nouvelle compagnie, qui a repris le personnel de la Sotrac, bénéficiera de fortes subventions étatiques pour finir par s’imposer et se refaire une image.
Pour faire oublier la mauvaise image laissée par les politiques socialistes de désengagement de l’Etat et montrer la volonté de relance de l’Etat, la société reprend littéralement des couleurs. Le vert-jaune-rouge, qui renvoyait aux couleurs du drapeau national, est jeté aux oubliettes, au profit du symbolique jaune-bleu qui renvoie incontestablement aux couleurs du Parti démocratique sénégalais (Pds) au pouvoir. Un peu comme si la compagnie Dakar Dem Dikk était une société privée. Sans doute encouragées par le silence de la population, qu’elles ont interprété comme un assentiment, certaines parmi les autorités ont voulu toucher à d’autres symboles de la République. Les armoiries du pays, avec le lion à gauche et à droite un baobab sur fond jaune, ont failli changer de forme. L’étoile à cinq branches a failli disparaître pour laisser un baobab de plus grand format. Le tollé a été tellement grand que cet anachronisme a disparu sans que l’on sache qui l’a commandité.
Les autres couleurs sur des bâtiments et des véhicules de transport ont tenu jusqu’au départ de Me Wade du pouvoir, malgré les protestations plus ou moins tenues. Mais Macky Sall n’a rien fait pour changer les choses ou les remettre à l’endroit. Bien au contraire, la forme républicaine du pays a commencé à se perdre au profit de l’Etat Macky Sall. Dem Dikk n’a pas changé de nom, mais sa couleur azur a été éclipsée pour prendre le marron-beige préféré du parti de l’ancien chef de l’Etat.
Pas étonnant que, dans ces conditions, les nouveaux opposants, qui venaient de gagner quelques communes, se soient senti le droit de faire comme leurs adversaires au pouvoir. Ainsi, à Ziguinchor où il venait d’être élu à la tête de la commune, le maire Ousmane Sonko, qui venait de réceptionner des camions-poubelles que son prédécesseur Abdoulaye Baldé avait acquis de la coopération bilatérale, s’est empressé de les peindre aux couleurs vert-rouge de son parti et de présenter ces acquisitions comme le premier acte de son administration à la tête de sa ville, et du symbole du «Burok» qu’il finira par faire adopter par toutes les autres communes du pays.
Aujourd’hui à la tête de l’Etat, Ousmane Sonko et le Président Bassirou Diomaye Faye veulent entamer leur volonté de changement en frappant le plus haut possible. Pour bien marquer les esprits et imprimer la volonté de rectitude que les Sénégalais doivent adopter, il a été lancé le slogan «Jub Jubal Jubanti». Mais il ne s’agit pas d’ânonner ces mots sans en connaître le sens. Un site web et un logo ont été créés, qui incitent les Sénégalais à puiser et à s’inspirer de ces modèles de droiture qu’ils devraient adopter.
Mieux, chaque contribuable qui va acheter son timbre fiscal, aura, en lieu et place de la devise du pays, «Un peuple, un but, une foi», qui orne les frontons de nos bâtiments officiels ainsi que les symboles de la République, les nouveaux trois mots magiques : «Jub Jubal Jubanti». Quand on aura besoin d’authentifier un document par un timbre officiel, ce timbre sera frappé de cette nouvelle devise. Qui l’a décrétée et quand a-t-elle commencé à être imposée, personne n’a été en mesure de nous le dire. Même les services fiscaux qui commercialisent ce timbre, ne peuvent rien nous dire à ce sujet. Sans doute que ce mystère sera bientôt résolu, puisque nos dirigeants sont pour le moment occupés par la finalisation du Projet, qui devrait bientôt être rendu public après si longtemps, comme nous l’a promis notre Premier ministre.
source lequotidien